Instinct de proie dans les lignées modernes

L’instinct de proie dans les lignées modernes : entre performance et dérives comportementales

Ces dernières décennies, la sélection des chiens de travail, en particulier chez le berger allemand et le malinois, s’est fortement orientée vers et par le sport.

Cette orientation a placé l’instinct de proie ou prédation  au cœur des critères de reproduction. Si cela a permis d’obtenir des chiens rapides, énergiques et impressionnants, cela a aussi conduit à certaines dérives, notamment sur le plan comportemental. Ce sujet est aussi abordé ici.

L’instinct de proie : un moteur devenu hégémonique

Instinct de proie berger allemand

L’instinct de proie — cette capacité à poursuivre, capturer et interagir avec un objet mobile — est précieux dans de nombreuses disciplines : obéissance, recherche, détection, mordant sportif.

Il permet une motivation extrême et une grande explosivité et fait parti des instincts ancestraux du chien.

Cependant, dans les lignées modernes, cet instinct est parfois poussé à l’extrême. Le chien devient ce que certains appellent un « Beutegeier » — un chien uniquement focalisé sur la proie, sans discernement.

Il « joue le jeu », poursuit, mord, rapporte, avec une intensité impressionnante… tant que le cadre est maîtrisé. Hors contexte, son engagement peut devenir inadapté, voire problématique.

« Le chien joue le jeu, mais en situation sérieuse, il n’y a rien derrière. »

Cette sur-spécialisation se fait souvent au détriment d’autres instincts, comme la vigilance ou la défense — deux piliers du comportement canin, autrefois essentiels dans les lignées de travail.

Nous y reviendrons dans un prochain article.

Et la communication sociale s’appauvrit.

Cette sélection exclusive sur la proie modifie profondément l’équilibre comportemental.

De nombreux chiens issus de lignées modernes ont perdu une partie de leurs capacités d’interaction avec leurs congénères et de gestion des situation de conflit.

Là où certains savaient imposer leur place par la posture, l’attitude, le regard, d’autres ne connaissent plus que la morsure.

Leur rapport au monde devient unidimensionnel : ce qui bouge se poursuit, ce qui résiste se mord.

Cela affecte non seulement la cohabitation avec d’autres animaux, mais aussi la capacité du chien à faire preuve de discernement dans des situations réelles, en dehors des terrains de sport.

Un dresseur expérimenté résumait cette évolution ainsi :
« Viele Hunde haben heute kaum noch echtes Sozialverhalten – sie regeln alles mit den Zähnen. »
→ « Beaucoup de chiens n’ont aujourd’hui plus de véritable comportement social – ils règlent tout avec les dents. »

Instinct de proie dans les lignées modernes

Le vocabulaire des éleveurs de l’Est : « droite » et « gauche »

Dans certaines traditions d’élevage issues des lignées de l’Est, notamment celles influencées par les anciens standards DDR, les éleveurs distinguaient deux grands profils comportementaux : les chiens « droits » et les chiens « gauches ».

Les chiens dits « droits » sont des chiens très axés sur la proie. Ils sont souvent vifs, faciles à motiver, peu méfiants. Leur comportement est direct, sans inhibition excessive.

Cela en fait de bons candidats pour le sport, mais leur absence de vigilance naturelle peut limiter leur utilité dans des contextes réels de protection ou de garde.

Les chiens dits « gauches », à l’inverse, sont souvent plus réservés, plus attentifs à l’environnement.

Ils observent avant d’agir, font preuve de prudence, et développent un sens aigu de la vigilance.

Ils ne se jettent pas systématiquement sur la proie : leur engagement est plus mesuré, mais souvent plus profond.

Leur instinct de défense est également plus affirmé.

Un éleveur décrivait cette distinction ainsi :
« Die Linken schauen erst mal – die Rechten rennen gleich los. »
→ « Les gauches regardent d’abord – les droites foncent tout de suite. »

Ce vocabulaire, non scientifique mais issu de décennies d’observations empiriques, permet d’éclairer certaines oppositions qu’on retrouve aujourd’hui entre des lignées ultra sportives et des lignées plus complètes, plus équilibrées sur le plan instinctuel.

Vers une redéfinition du « bon chien de travail » ?

Loin de rejeter le sport, il s’agit ici de souligner une tendance : à force de privilégier la démonstration, certains chiens perdent en profondeur.

L’instinct de proie est un excellent outil de motivation, mais il ne devrait pas être le seul pilier de la sélection.

Un chien de travail complet doit pouvoir exprimer aussi bien la vigilance que la défense, la lecture sociale que l’engagement physique.

Certains chiens anciens, parfois considérés comme « ternes » par des critères modernes, étaient en réalité très complets et fiables.

Comme le disait un ancien dresseur de chiens de service :
« Ein echter Diensthund muss nicht schreien, er muss wirken. »
→ « Un vrai chien de service n’a pas besoin d’en faire trop, il doit avoir de l’effet. »

Dans un prochain article, nous reviendrons plus en détail sur cette question cruciale : comment l’hyper-développement de l’instinct de proie peut éroder les instincts de défense et de vigilance, et ce que cela implique dans la sélection de lignées durables.

 

 

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Commentaires

Une réponse à “Instinct de proie dans les lignées modernes”

  1. Avatar de GUY
    GUY

    Article très intéressant et instructif.

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