Catégorie : Instincts

  • Garde ou Défense ?

    Épisode 1 : comprendre les vraies différences entre garde et défense, et ce que permet (ou interdit) la loi.

    Protection de la maison, réaction sur commande, rôle dissuasif : entre idées reçues et réalité juridique, on remet les bases à plat dans une série d’articles concrets.

    Garde ou défense?

    Le Berger Allemand est l’une des rares races capables d’assurer à la fois la garde autonome d’un territoire et la défense active de ses maîtres. Encore faut-il bien comprendre ce que recouvrent ces deux fonctions, car elles exigent des aptitudes et des encadrements très différents.

    Trop souvent confondues dans l’imaginaire collectif, garde et défense obéissent à des logiques comportementales, techniques et surtout juridiques distinctes. Cet article a pour but d’éclaircir ces notions essentielles, afin de permettre à chaque propriétaire de chien de protection d’agir de façon responsable et efficace, en particulier dans le cadre de la législation française.

    Garde et défense : deux missions bien distinctes

    La garde : une dissuasion autonome

    Le chien de garde agit sans attendre d’ordre. Il repère tout étranger au cercle familial et adopte une attitude dissuasive : aboiements, excitation, déplacements répétés le long des clôtures, posture haute. Il ne cherche pas le contact physique, mais impose une présence forte, destinée à faire renoncer l’intrus sans confrontation directe.

    Garde ou défense
    Uther Des Crocs Véritables

    Ce comportement repose sur l’instinct de territoire. Il est d’autant plus efficace que le terrain est clôturé, clairement défini, et identifié par le chien comme son domaine. Le chien de garde n’est pas un chien agressif, mais un chien vigilant, sûr de lui, capable de réagir sans basculer dans l’emballement.

    La défense : une neutralité maîtrisée, une action ciblée

    Le chien de défense doit savoir évoluer dans des environnements humains variés : en promenade, dans un magasin, au marché, dans un jardin avec des invités. Il doit rester neutre tant qu’aucune menace réelle ne se manifeste.

    Garde ou défense
    Yannick Le Gallou et O’Gun

    Mais en cas de danger, il doit être capable de réagir sur ordre ou de manière contrôlée à une agression directe. Cela suppose une sélection rigoureuse, un dressage précis, et une stabilité émotionnelle à toute épreuve.

    Pourquoi le Berger Allemand est l’un des seuls à pouvoir assumer les deux rôles

    Peu de races cumulent les qualités nécessaires à la fois pour la garde autonome et dissuasive, et pour la défense maîtrisée sur ordre. Le Berger Allemand, bien sélectionné, en fait partie. Il présente :

    • une forte aptitude à la concentration et à l’analyse,
    • une capacité à travailler en lien étroit avec l’humain,
    • une solidité nerveuse supérieure à celle de nombreuses autres races.

    À l’inverse :

    • Les molosses sont puissants mais parfois trop réactifs.
    • Les chiens de protection de troupeaux ont une autonomie comportementale difficilement compatible avec un cadre civil.
    • Les Malinois typés sport peuvent être instables, hyperactifs, et manquer de neutralité en contexte social ou de vigilance et de méfiance livrés à eux-mêmes.

    Garde ou défense ?

    Le Berger Allemand offre un équilibre entre intelligence, discernement, force, docilité et capacité à canaliser ses instincts. C’est ce qui en fait, particulièrement en France, un excellent chien de travail pour des fonctions mixtes, à condition qu’il soit bien sélectionné et encadré.

    Précisons tout de même que garde et défense nécessitent certaines qualités quasi opposées, aussi un chien excellent dans l’un ou l’autre des deux aspects sera souvent de moindre niveau dans son opposé; nous y reviendrons dans un prochain chapitre.

    Ce que dit la loi française

    Responsabilité civile : le maître est responsable de plein droit

    L’article 1243 du Code civil énonce que “le propriétaire d’un animal […] est responsable du dommage que l’animal a causé”. Cette responsabilité est automatique.

    Responsabilité pénale : usage de l’animal comme arme

    L’article 222-13 du Code pénal considère une morsure comme une violence aggravée si elle est utilisée de façon délibérée. L’article R.623-3 sanctionne le fait de laisser un animal dangereux divaguer.

    Que faire si votre chien mord quelqu’un ou si vous avez été mordu? ici

    Exemples concrets et jurisprudence

    • Morsure d’un intrus de nuit sur terrain clos : responsabilité civile engagée, pas de sanctions pénales ( il s’agit d’un exemple, mais selon le contexte un tout autre jugement aurait pu être rendu).
    • Attaque à travers une clôture basse : condamnation pour négligence.
    • Attaque d’un passant dans la rue : usage disproportionné, poursuites pénales engagées
    • Ce qu’il faut retenir c’est que la légitime défense et l’usage proportionné de la force devront être démontrés afin d’éviter des sanction pénales

    À l’international : des modèles inadaptés au contexte français

    En Italie la défense de la propriété privée est renforcée, aux États-Unis, certains États appliquent des lois de self-defense très larges, globalement sur ces sujets  la législation est plus permissive, . Mais ces pratiques ne sont pas transposables. En France, la légitime défense avec un chien reste strictement encadrée, et ne peut jamais être improvisée.

    Conclusion

    Garde ou défense ?

    Comprendre la distinction entre garde et défense est essentiel. Le Berger Allemand peut remplir les deux fonctions, à condition d’être bien sélectionné, éduqué, et utilisé dans le respect de la loi. Cela garantit non seulement l’efficacité du chien, mais aussi la sécurité juridique de son maître.

    Dans le prochain article, nous parlerons de l’importance du choix des lignées et du chiot, de pourquoi un chien de sport, même expérimenté en mordant, n’est pas ce qui est recherché pour ce type de tâche et nous mettrons en avant les conditions de vie essentielles à offrir à ces précieux alliés, pour à la fois les rendre plus efficaces et heureux.

    Si ces sujets vous intéressent lisez également nos pages La garde un travail? et  La garde de propriété

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  • Instinct de proie dans les lignées modernes

    L’instinct de proie dans les lignées modernes : entre performance et dérives comportementales

    Ces dernières décennies, la sélection des chiens de travail, en particulier chez le berger allemand et le malinois, s’est fortement orientée vers et par le sport.

    Cette orientation a placé l’instinct de proie ou prédation  au cœur des critères de reproduction. Si cela a permis d’obtenir des chiens rapides, énergiques et impressionnants, cela a aussi conduit à certaines dérives, notamment sur le plan comportemental. Ce sujet est aussi abordé ici.

    L’instinct de proie : un moteur devenu hégémonique

    Instinct de proie berger allemand

    L’instinct de proie — cette capacité à poursuivre, capturer et interagir avec un objet mobile — est précieux dans de nombreuses disciplines : obéissance, recherche, détection, mordant sportif.

    Il permet une motivation extrême et une grande explosivité et fait parti des instincts ancestraux du chien.

    Cependant, dans les lignées modernes, cet instinct est parfois poussé à l’extrême. Le chien devient ce que certains appellent un « Beutegeier » — un chien uniquement focalisé sur la proie, sans discernement.

    Il « joue le jeu », poursuit, mord, rapporte, avec une intensité impressionnante… tant que le cadre est maîtrisé. Hors contexte, son engagement peut devenir inadapté, voire problématique.

    « Le chien joue le jeu, mais en situation sérieuse, il n’y a rien derrière. »

    Cette sur-spécialisation se fait souvent au détriment d’autres instincts, comme la vigilance ou la défense — deux piliers du comportement canin, autrefois essentiels dans les lignées de travail.

    Nous y reviendrons dans un prochain article.

    Et la communication sociale s’appauvrit.

    Cette sélection exclusive sur la proie modifie profondément l’équilibre comportemental.

    De nombreux chiens issus de lignées modernes ont perdu une partie de leurs capacités d’interaction avec leurs congénères et de gestion des situation de conflit.

    Là où certains savaient imposer leur place par la posture, l’attitude, le regard, d’autres ne connaissent plus que la morsure.

    Leur rapport au monde devient unidimensionnel : ce qui bouge se poursuit, ce qui résiste se mord.

    Cela affecte non seulement la cohabitation avec d’autres animaux, mais aussi la capacité du chien à faire preuve de discernement dans des situations réelles, en dehors des terrains de sport.

    Un dresseur expérimenté résumait cette évolution ainsi :
    « Viele Hunde haben heute kaum noch echtes Sozialverhalten – sie regeln alles mit den Zähnen. »
    → « Beaucoup de chiens n’ont aujourd’hui plus de véritable comportement social – ils règlent tout avec les dents. »

    Instinct de proie dans les lignées modernes

    Le vocabulaire des éleveurs de l’Est : « droite » et « gauche »

    Dans certaines traditions d’élevage issues des lignées de l’Est, notamment celles influencées par les anciens standards DDR, les éleveurs distinguaient deux grands profils comportementaux : les chiens « droits » et les chiens « gauches ».

    Les chiens dits « droits » sont des chiens très axés sur la proie. Ils sont souvent vifs, faciles à motiver, peu méfiants. Leur comportement est direct, sans inhibition excessive.

    Cela en fait de bons candidats pour le sport, mais leur absence de vigilance naturelle peut limiter leur utilité dans des contextes réels de protection ou de garde.

    Les chiens dits « gauches », à l’inverse, sont souvent plus réservés, plus attentifs à l’environnement.

    Ils observent avant d’agir, font preuve de prudence, et développent un sens aigu de la vigilance.

    Ils ne se jettent pas systématiquement sur la proie : leur engagement est plus mesuré, mais souvent plus profond.

    Leur instinct de défense est également plus affirmé.

    Un éleveur décrivait cette distinction ainsi :
    « Die Linken schauen erst mal – die Rechten rennen gleich los. »
    → « Les gauches regardent d’abord – les droites foncent tout de suite. »

    Ce vocabulaire, non scientifique mais issu de décennies d’observations empiriques, permet d’éclairer certaines oppositions qu’on retrouve aujourd’hui entre des lignées ultra sportives et des lignées plus complètes, plus équilibrées sur le plan instinctuel.

    Vers une redéfinition du « bon chien de travail » ?

    Loin de rejeter le sport, il s’agit ici de souligner une tendance : à force de privilégier la démonstration, certains chiens perdent en profondeur.

    L’instinct de proie est un excellent outil de motivation, mais il ne devrait pas être le seul pilier de la sélection.

    Un chien de travail complet doit pouvoir exprimer aussi bien la vigilance que la défense, la lecture sociale que l’engagement physique.

    Certains chiens anciens, parfois considérés comme « ternes » par des critères modernes, étaient en réalité très complets et fiables.

    Comme le disait un ancien dresseur de chiens de service :
    « Ein echter Diensthund muss nicht schreien, er muss wirken. »
    → « Un vrai chien de service n’a pas besoin d’en faire trop, il doit avoir de l’effet. »

    Dans un prochain article, nous reviendrons plus en détail sur cette question cruciale : comment l’hyper-développement de l’instinct de proie peut éroder les instincts de défense et de vigilance, et ce que cela implique dans la sélection de lignées durables.

     

     

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