Catégorie : Instincts

  • Garde ou défense épisode 2

    Lignées, sélection et équilibre entre garde et défense

    Le chien destiné à la  protection des familles n’est ni un animal de compagnie ordinaire, ni un chien de sport et pas non plus un chien militaire ou de police.

    Lorsqu’on parle de protection, il est essentiel de distinguer deux missions bien distinctes : la garde du territoire, et la défense. Souvent vouloir les deux en revient à avoir un chien moins spécialisé.

    Garde ou défense
    Uther Des Crocs Véritables

    Chaque fonction implique des exigences différentes, tant en termes de sélection que d’éducation.

    Dans cet article, nous abordons le choix de la lignée, du chiot, les conditions de vie essentielles, et surtout l’adaptation du parcours selon le rôle attendu.

    Garde, défense, ou les deux : trois logiques différentes

    * Le chien dédié à la défense est un chien qui agit sur ordre ou par analyse de situation. Il accompagne son maître en dehors du domicile, croise du monde sans réagir, mais reste vigilant. Il doit savoir faire preuve d’une grande neutralité, mais aussi être capable de réagir avec force, lucidité et sang-froid. Il dissuade par sa présence, mais il doit aussi savoir s’interposer en cas de besoin.

    C’est un chien très exposé socialement, donc très encadré.

    * Le chien de garde quant à lui, protège un territoire qu’il considère comme sien. Il agit sans ordre, par instinct, à travers la clôture ou à distance. Il ne doit pas attaquer mais avant tout dissuader : son aboiement, sa posture, son regard sont ses armes. Il doit être stable mais instinctif, sûr de lui mais pas sociable envers les étrangers.

    Garde ou défense

    La plupart des chiens sont très actifs dès qu’ils repèrent un congénère ou un animal sauvage s’approcher du territoire mais ils sont peu à le faire de nos jours quand il s’agit d’humains, cette distinction est fondamentale.

    * Le chien capable de pouvoir effectuer à haut niveau  les deux est rare et repose sur un compromis parfait : instinct, équilibre nerveux, bon dressage, gestion fine du territoire et du lien avec l’humain.

    C’est possible avec un Berger Allemand sélectionné rigoureusement, élevé dans de bonnes conditions et suivi avec constance.

    Le chien de défense : un équilibre entre sociabilité et retenue

    Pour la défense, il est essentiel que le chien soit exposé très tôt à une grande variété d’environnements : marchés, parcs, centre-ville, gares, passages étroits, foule… Il doit croiser toutes sortes de personnes sans que cela n’éveille chez lui ni peur, ni euphorie. Il doit être curieux, solide, et capable de discernement.

    Garde ou défense

    Théo Des Crocs Véritables

    Mais cela ne signifie pas qu’il faut le rendre accessible à tous. Il est important de ne jamais le laisser être caressé, nourri ou sollicité par des inconnus. Il doit rester neutre, méfiant, mais pas réactif. Le lien de confiance doit être exclusivement centré sur son maître ou sa famille.

    Le chien de défense doit apprendre à se mettre en éveil sur commande, à aboyer, à analyser une attitude, et à se calmer aussi vite qu’il peut se mobiliser. Ces compétences se développent avec un dresseur ou un assistant, dans un cadre rigoureux.

    Le mordant en tant que tel n’est pas indispensable si le travail est bien conduit.

    Le dressage type IGP ( si vous ignorez de quoi il s’agit cliquez ici) peut cependant être utilisé comme outil, à condition d’en comprendre les mécanismes : le mordant ne doit jamais être la base de l’apprentissage, mais venir en second temps comme récompense au courage et à l’engagement, pas comme moteur de l’action. Un chien qui mord parce qu’il aime mordre un artifice (costume ou la manchette) = instinct de proie.

    Ce n’est pas forcément un chien de défense. Il réagit au mouvement, non à l’intention.

    Il est donc crucial de ne pas confondre chien de sport et chien de protection civile.

    De plus, rappelons qu’en France il n’est de toute façon pas question de dresser le chien à l’attaque (phase active de mordant) pour un particulier. Dans d’autres pays, comme les Etats-Unis par exemple ce type d’entraînement est chose commune.

    Les chiens issus de lignées de sélection uniquement sportive sont souvent très motivés par et pour la morsure: rapides, puissants, mais parfois peu vigilants et ou trop impulsifs et dépendants de l’humain.

    Si cet aspect vous interpelle, lisez aussi nos articles et pages sur ce sujet : Instinct de proie dans les lignées modernes  ,   Limites d’une sélection centrée sur le sport  ,  Les sports canins : un terrain d’expression   et   Réfléchir la sélection autrement 

    Est-ce la peine de le préciser, les chiens issus de lignées d’exposition, orientées uniquement sur le physique, sont rarement en mesure d’assurer une mission de protection fiable.

    Faute de sélection comportementale orientée dans ce sens, et pour cause, ce type de chien doit se laisser toucher, manipuler par le juge et son conducteur en exposition (qui n’est parfois pas le maître lui-même).

    Cela ne signifie pas qu’un chien de protection ne peut pas pratiquer de sport canin.

    Au contraire, une activité bien choisie (obéissance, pistage, IGP adapté) peut renforcer la complicité et l’équilibre. Mais elle doit toujours rester au service de l’objectif final, et non devenir une échappatoire à l’instinct ou une source de confusion.

    Un entraînement mal ciblé peut être contre-productif, voire nuisible à l’objectif principal.

    Un mâle comme une femelle peuvent tout à fait remplir ce rôle, chacun avec ses qualités propres.

    Le chien de garde : instinct, territoire, stabilité

    La garde repose sur l’instinct territorial, la volonté de défendre un espace bien identifié, et une forme d’autonomie comportementale. Le chien doit se sentir chez lui, en lien étroit avec sa famille, tout en gardant une méfiance nette envers les étrangers.

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    Le chien de garde est d’abord un chien dissuasif. Il protège un territoire, repère ce qui sort de l’ordinaire et signale une approche ou une tentative d’intrusion.

    Son rôle est avant tout de faire fuir : il donne de la voix, fait sentir sa présence. Il n’a pas nécessairement vocation à entrer en contact avec l’intrus.

    Ce type de garde convient surtout à des habitations isolées. En ville, les aboiements dissuasifs peuvent rapidement poser problème avec le voisinage.

    L’idéal, le plus simple et efficace est de constituer un binôme mâle-femelle qui vit ensemble en liberté sur le territoire. Ils forment une mini-meute. Cela crée un équilibre naturel dans les réactions,  renforce la stabilité et l’attachement au territoire, favorise les instincts et l’épanouissement.

    A défaut, il est en général plus facile de trouver un mâle avec cette aptitude, surtout si le territoire à protéger est vaste.

    Mais le chien est un animal de meute, il aime la compagnie et ils sera moins heureux et équilibré dans son travail s’il vit seul. Lire aussi Ce que le Berger Allemand exige au quotidien

    Le lien à la famille doit être fort et respectueux : estime, affection, structure. Le chien de garde doit prioritairement être un chien totalement innofensif et doux avec sa famille.

    La sélection est ici encore plus importante que pour la défense : l’instinct de garde ne s’invente pas. Le choix de la lignée est le point numéro 1, puis vient le choix du chiot au sein de la portée.

    Il est probable qu’un éleveur qui ne propose pas de sélection caractérielle ou qui vous dit  » tous mes chiens gardent« , est soit ignorant, soit dans le meilleur des cas se ment à lui-même, ce qui en revient à jouer à la lotterie.

    Ce n’est pas une science exacte, mais il faut au moins tenter de déceler au sein de la portée les prémices visibles de cet instinct: chiot trop sociable ou trop fuyant, trop dominant sont souvent à exclure.

    Il faut savoir observer l’interaction au sein de la portée, la réaction à l’inconnu, la capacité à s’isoler et à surveiller.

    Si l’on veut être sûr il faudrait attendre entre 6 et 12 mois, ce qui est rarement possible.

    Ceci n’est que le début, il s’agit ensuite de le faire murir correctement, ne pas inhiber mais au contraire renforcer les instincts.

    C’est d’autant plus fondamental les deux premières années: le chien doit grandir dans un environnement qui le rend heureux, entouré de bienveillance. Un chien qui se sent respecté et bien nourri  cherchera en retour naturellement à protéger ce qu’il perçoit vital.

    L’éducation : respect de l’instinct, contrôle du contexte

    Même un chien destiné à la garde à besoin de vivre des expériences extérieures. Il doit pouvoir marcher en ville, côtoyer d’autres humains ou chiens sans panique ni agressivité, mais sans chercher le contact non plus. Il doit être inoffensif en dehors du territoire, mais réservé.

    Sur le territoire, les premières expériences doivent être soigneusement encadrées. Pendant sa première année, le chiot devrait être isolé de tout contact direct avec les étrangers au cercle familial : pièce à part, chenil, barrière, idéalement on laissera environ 10m de distance.

    Il est évident que si le chiot montre des signes d’alertes, souvent à la tombée de la nuit, il n’est pas question de le réprimander mais au contraire de le féliciter.

    Cela renforce sa confiance et son exclusivité envers sa famille.

    A partir au plus tôt des 6 mois, souvent plus vers les 10 à 12 mois, selon sa maturité, on peut commencer les premiers exercices d’éveil à la garde : en l’absence du maître, un inconnu (assistant) vient se montrer à travers la clôture, à l’improviste. Dès les premiers signes d’alerte du chien (aboiement, posture, surveillance), l’assistant s’éloigne, simulant crainte et fuite. Le maître sort alors et félicite calmement son chien.

    Ces exercices renforcent l’instinct sans le forcer. Ici encore il ne s’agit pas de le faire mordre, mais de renforcer la dissuasion et la confiance en sa capacité de dissuasion.

    Plus tard, on peut introduire les exercices de contrôle, en demandant au chien de tolérer une présence sur le territoire (par exemple le facteur) sans réagir, afin d’affiner sa compréhension des limites et des rôles.

    Sélection du Berger Allemand, la garde

    Construire un binôme fiable et adapté

    Un chien de défense, un chien de garde, ou un chien qui combine les deux fonctions, nécessitent des sélections, des méthodes et des contextes de vie différents.

    Ce n’est pas une affaire de performance, mais d’adéquation entre l’individu, son environnement, ses missions et la nature de son lien au maître.

    Le Berger Allemand, à condition d’être choisi avec soin, dans une lignée stable et lucide, reste aujourd’hui l’une des rares races capables d’assurer l’un ou l’autre de ces rôles — voire les deux — dans le respect de la loi, de la sécurité et de l’équilibre familial.

    En conclusion, il nous semble important de distinguer les fonctions de garde et de défense, de leur rendre leur lettre de noblesse, car de toutes les tâches à accomplir, surtout dans un pays comme la France c’est peut-être une des plus subtil qui est demandé au chien.

    Il nous paraît essentiel que chacun clarifie ce qu’il recherche comme objectif prioritaire ( compagnie uniquement ou plus sport, mission, de garde ou de défense) et ne les confonde ni entre eux ni avec le travail demandé aux chiens professionnels.

    S’interroger sur ces sujets c’est avant tout choisir une vision de la relation homme-chien que l’on souhaite construire.

    La vôtre est-elle déjà consciente et assumée?

    Berger allemand elevage- Skinner et Pavlov

     

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  • Garde ou Défense ?

    Épisode 1 : comprendre les vraies différences entre garde et défense, et ce que permet (ou interdit) la loi.

    Protection de la maison, réaction sur commande, rôle dissuasif : entre idées reçues et réalité juridique, on remet les bases à plat dans une série d’articles concrets.

    Garde ou défense?

    Le Berger Allemand est l’une des rares races capables d’assurer à la fois la garde autonome d’un territoire et la défense active de ses maîtres. Encore faut-il bien comprendre ce que recouvrent ces deux fonctions, car elles exigent des aptitudes et des encadrements très différents.

    Trop souvent confondues dans l’imaginaire collectif, garde et défense obéissent à des logiques comportementales, techniques et surtout juridiques distinctes. Cet article a pour but d’éclaircir ces notions essentielles, afin de permettre à chaque propriétaire de chien de protection d’agir de façon responsable et efficace, en particulier dans le cadre de la législation française.

    Garde et défense : deux missions bien distinctes

    La garde : une dissuasion autonome

    Le chien de garde agit sans attendre d’ordre. Il repère tout étranger au cercle familial et adopte une attitude dissuasive : aboiements, excitation, déplacements répétés le long des clôtures, posture haute. Il ne cherche pas le contact physique, mais impose une présence forte, destinée à faire renoncer l’intrus sans confrontation directe.

    Garde ou défense
    Uther Des Crocs Véritables

    Ce comportement repose sur l’instinct de territoire. Il est d’autant plus efficace que le terrain est clôturé, clairement défini, et identifié par le chien comme son domaine. Le chien de garde n’est pas un chien agressif, mais un chien vigilant, sûr de lui, capable de réagir sans basculer dans l’emballement.

    La défense : une neutralité maîtrisée, une action ciblée

    Le chien de défense doit savoir évoluer dans des environnements humains variés : en promenade, dans un magasin, au marché, dans un jardin avec des invités. Il doit rester neutre tant qu’aucune menace réelle ne se manifeste.

    Garde ou défense
    Yannick Le Gallou et O’Gun

    Mais en cas de danger, il doit être capable de réagir sur ordre ou de manière contrôlée à une agression directe. Cela suppose une sélection rigoureuse, un dressage précis, et une stabilité émotionnelle à toute épreuve.

    Pourquoi le Berger Allemand est l’un des seuls à pouvoir assumer les deux rôles

    Peu de races cumulent les qualités nécessaires à la fois pour la garde autonome et dissuasive, et pour la défense maîtrisée sur ordre. Le Berger Allemand, bien sélectionné, en fait partie. Il présente :

    • une forte aptitude à la concentration et à l’analyse,
    • une capacité à travailler en lien étroit avec l’humain,
    • une solidité nerveuse supérieure à celle de nombreuses autres races.

    À l’inverse :

    • Les molosses sont puissants mais parfois trop réactifs.
    • Les chiens de protection de troupeaux ont une autonomie comportementale difficilement compatible avec un cadre civil.
    • Les Malinois typés sport peuvent être instables, hyperactifs, et manquer de neutralité en contexte social ou de vigilance et de méfiance livrés à eux-mêmes.

    Garde ou défense ?

    Le Berger Allemand offre un équilibre entre intelligence, discernement, force, docilité et capacité à canaliser ses instincts. C’est ce qui en fait, particulièrement en France, un excellent chien de travail pour des fonctions mixtes, à condition qu’il soit bien sélectionné et encadré.

    Précisons tout de même que garde et défense nécessitent certaines qualités quasi opposées, aussi un chien excellent dans l’un ou l’autre des deux aspects sera souvent de moindre niveau dans son opposé; nous y reviendrons dans un prochain chapitre.

    Ce que dit la loi française

    Responsabilité civile : le maître est responsable de plein droit

    L’article 1243 du Code civil énonce que “le propriétaire d’un animal […] est responsable du dommage que l’animal a causé”. Cette responsabilité est automatique.

    Responsabilité pénale : usage de l’animal comme arme

    L’article 222-13 du Code pénal considère une morsure comme une violence aggravée si elle est utilisée de façon délibérée. L’article R.623-3 sanctionne le fait de laisser un animal dangereux divaguer.

    Que faire si votre chien mord quelqu’un ou si vous avez été mordu? ici

    Exemples concrets et jurisprudence

    • Morsure d’un intrus de nuit sur terrain clos : responsabilité civile engagée, pas de sanctions pénales ( il s’agit d’un exemple, mais selon le contexte un tout autre jugement aurait pu être rendu).
    • Attaque à travers une clôture basse : condamnation pour négligence.
    • Attaque d’un passant dans la rue : usage disproportionné, poursuites pénales engagées
    • Ce qu’il faut retenir c’est que la légitime défense et l’usage proportionné de la force devront être démontrés afin d’éviter des sanction pénales

    À l’international : des modèles inadaptés au contexte français

    En Italie la défense de la propriété privée est renforcée, aux États-Unis, certains États appliquent des lois de self-defense très larges, globalement sur ces sujets  la législation est plus permissive, . Mais ces pratiques ne sont pas transposables. En France, la légitime défense avec un chien reste strictement encadrée, et ne peut jamais être improvisée.

    Conclusion

    Garde ou défense ?

    Comprendre la distinction entre garde et défense est essentiel. Le Berger Allemand peut remplir les deux fonctions, à condition d’être bien sélectionné, éduqué, et utilisé dans le respect de la loi. Cela garantit non seulement l’efficacité du chien, mais aussi la sécurité juridique de son maître.

    Dans le prochain article, nous parlerons de l’importance du choix des lignées et du chiot, de pourquoi un chien de sport, même expérimenté en mordant, n’est pas ce qui est recherché pour ce type de tâche et nous mettrons en avant les conditions de vie essentielles à offrir à ces précieux alliés, pour à la fois les rendre plus efficaces et heureux.

    Garde ou défense épisode 2 ici

    Si ces sujets vous intéressent lisez également nos pages La garde un travail? et  La garde de propriété

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  • Instinct de proie dans les lignées modernes

    L’instinct de proie dans les lignées modernes : entre performance et dérives comportementales

    Ces dernières décennies, la sélection des chiens de travail, en particulier chez le berger allemand et le malinois, s’est fortement orientée vers et par le sport.

    Cette orientation a placé l’instinct de proie ou prédation  au cœur des critères de reproduction. Si cela a permis d’obtenir des chiens rapides, énergiques et impressionnants, cela a aussi conduit à certaines dérives, notamment sur le plan comportemental. Ce sujet est aussi abordé ici.

    L’instinct de proie : un moteur devenu hégémonique

    Instinct de proie berger allemand

    L’instinct de proie — cette capacité à poursuivre, capturer et interagir avec un objet mobile — est précieux dans de nombreuses disciplines : obéissance, recherche, détection, mordant sportif.

    Il permet une motivation extrême et une grande explosivité et fait parti des instincts ancestraux du chien.

    Cependant, dans les lignées modernes, cet instinct est parfois poussé à l’extrême. Le chien devient ce que certains appellent un « Beutegeier » — un chien uniquement focalisé sur la proie, sans discernement.

    Il « joue le jeu », poursuit, mord, rapporte, avec une intensité impressionnante… tant que le cadre est maîtrisé. Hors contexte, son engagement peut devenir inadapté, voire problématique.

    « Le chien joue le jeu, mais en situation sérieuse, il n’y a rien derrière. »

    Cette sur-spécialisation se fait souvent au détriment d’autres instincts, comme la vigilance ou la défense — deux piliers du comportement canin, autrefois essentiels dans les lignées de travail.

    Nous y reviendrons dans un prochain article.

    Et la communication sociale s’appauvrit.

    Cette sélection exclusive sur la proie modifie profondément l’équilibre comportemental.

    De nombreux chiens issus de lignées modernes ont perdu une partie de leurs capacités d’interaction avec leurs congénères et de gestion des situation de conflit.

    Là où certains savaient imposer leur place par la posture, l’attitude, le regard, d’autres ne connaissent plus que la morsure.

    Leur rapport au monde devient unidimensionnel : ce qui bouge se poursuit, ce qui résiste se mord.

    Cela affecte non seulement la cohabitation avec d’autres animaux, mais aussi la capacité du chien à faire preuve de discernement dans des situations réelles, en dehors des terrains de sport.

    Un dresseur expérimenté résumait cette évolution ainsi :
    « Viele Hunde haben heute kaum noch echtes Sozialverhalten – sie regeln alles mit den Zähnen. »
    → « Beaucoup de chiens n’ont aujourd’hui plus de véritable comportement social – ils règlent tout avec les dents. »

    Instinct de proie dans les lignées modernes

    Le vocabulaire des éleveurs de l’Est : « droite » et « gauche »

    Dans certaines traditions d’élevage issues des lignées de l’Est, notamment celles influencées par les anciens standards DDR, les éleveurs distinguaient deux grands profils comportementaux : les chiens « droits » et les chiens « gauches ».

    Les chiens dits « droits » sont des chiens très axés sur la proie. Ils sont souvent vifs, faciles à motiver, peu méfiants. Leur comportement est direct, sans inhibition excessive.

    Cela en fait de bons candidats pour le sport, mais leur absence de vigilance naturelle peut limiter leur utilité dans des contextes réels de protection ou de garde.

    Les chiens dits « gauches », à l’inverse, sont souvent plus réservés, plus attentifs à l’environnement.

    Ils observent avant d’agir, font preuve de prudence, et développent un sens aigu de la vigilance.

    Ils ne se jettent pas systématiquement sur la proie : leur engagement est plus mesuré, mais souvent plus profond.

    Leur instinct de défense est également plus affirmé.

    Un éleveur décrivait cette distinction ainsi :
    « Die Linken schauen erst mal – die Rechten rennen gleich los. »
    → « Les gauches regardent d’abord – les droites foncent tout de suite. »

    Ce vocabulaire, non scientifique mais issu de décennies d’observations empiriques, permet d’éclairer certaines oppositions qu’on retrouve aujourd’hui entre des lignées ultra sportives et des lignées plus complètes, plus équilibrées sur le plan instinctuel.

    Vers une redéfinition du « bon chien de travail » ?

    Loin de rejeter le sport, il s’agit ici de souligner une tendance : à force de privilégier la démonstration, certains chiens perdent en profondeur.

    L’instinct de proie est un excellent outil de motivation, mais il ne devrait pas être le seul pilier de la sélection.

    Un chien de travail complet doit pouvoir exprimer aussi bien la vigilance que la défense, la lecture sociale que l’engagement physique.

    Certains chiens anciens, parfois considérés comme « ternes » par des critères modernes, étaient en réalité très complets et fiables.

    Comme le disait un ancien dresseur de chiens de service :
    « Ein echter Diensthund muss nicht schreien, er muss wirken. »
    → « Un vrai chien de service n’a pas besoin d’en faire trop, il doit avoir de l’effet. »

    Dans un prochain article, nous reviendrons plus en détail sur cette question cruciale : comment l’hyper-développement de l’instinct de proie peut éroder les instincts de défense et de vigilance, et ce que cela implique dans la sélection de lignées durables.

     

     

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