Conditionnement et dressage canin : une réflexion sur les mécanismes de l’éducation
Dans le monde du dressage canin, on évoque très souvent les méthodes, les outils, les récompenses et les renforcements. Mais on oublie parfois de revenir à la base des mécanismes psychologiques qui gouvernent l’apprentissage du chien. En particulier, deux types de conditionnements fondamentaux méritent d’être distingués : le conditionnement classique (ou Pavlovien) et le conditionnement opérant (ou Skinnerien).
Le conditionnement classique (Pavlov)
Découvert par Ivan Pavlov, ce type de conditionnement repose sur l’association inconsciente entre un stimulus neutre et une réponse émotionnelle ou physiologique. Le célèbre exemple des chiens de Pavlov qui salivent à la cloche illustre parfaitement ce mécanisme : la cloche, associée plusieurs fois à la présentation de nourriture, finit par provoquer la salivation seule.
Chez le chien, nous utilisons ce mécanisme en permanence sans même nous en rendre compte. Un ton de voix doux, une caresse, un sourire du maître répétés fréquemment peuvent devenir des renforçateurs puissants car ils s’associent à une sensation de bien-être. Ce n’est pas une action volontaire du chien pour obtenir quelque chose, c’est une réponse émotionnelle à une situation perçue comme agréable.
Le conditionnement opérant (Skinner)
B.F. Skinner a décrit un autre type d’apprentissage : le conditionnement opérant. Ici, l’animal agit volontairement pour obtenir une récompense (ou éviter une punition). C’est le système des renforcements positifs (friandises, jouets, jeux de mordant) et des renforcements négatifs (retrait d’une pression désagréable).
Aujourd’hui, la majorité des méthodes de dressage moderne reposent largement sur ce conditionnement opérant. On apprend au chien à « travailler » pour obtenir une récompense extérieure : sa balle, sa nourriture, son boudin, son jeu de mordant. Ces méthodes fonctionnent très bien techniquement, et permettent d’obtenir des comportements complexes et précis.
Le risque d’une relation « transactionnelle »
Pourtant, cette approche très opérante a une limite : le risque de centrer toute la motivation du chien sur l’objet de récompense, et non sur la relation avec le maître. Le chien exécute l’ordre pour obtenir sa balle, et non pour le plaisir de faire plaisir à son maître.
Or, le chien, en tant qu’animal social, descend d’un animal de meute dont la coopération avec le groupe est un besoin fondamental.
Bien utilisé, le conditionnement Pavlovien permet de renforcer puissamment cette dimension affective et sociale.
Une caresse, ou même un regard approbateur associé à une intonation chaleureuse peuvent déclencher chez le chien la libération d’ocytocine et d’endorphines — les hormones du plaisir social et de l’attachement.
Le chien apprend alors que le simple fait de satisfaire son maître est, en soi, source de plaisir, voir d’un plaisir supérieur à celui d’une récompense extérieure (balle, boudin, friandise…) .
Une piste d’équilibre
Idéalement, une éducation canine équilibrée devrait intégrer ces deux dimensions. Le conditionnement opérant est précieux pour apprendre les comportements. Mais le conditionnement classique permet de donner un sens émotionnel à ces comportements : faire plaisir à son maître devient, pour le chien, une fin en soi.
C’est probablement sur cet équilibre que reposent les meilleures relations maître-chien : un chien qui travaille bien et surtout qui travaille pour et avec son maître.
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